Essai

Silent Hill 2 – Le déni d’une frustration sexuelle à travers un jeu vidéo

Temps de lecture : 4 minutes

Il y a des lieux aux États Unis propices à l’horreur. Si ce n’est pas le désert de l’Arizona ou le bayou, c’est la Virginie-Occidentale pour ses vastes forêts sauvages et ses autochtones aux arbres généalogiques douteux. Alors quand Silent Hill est abandonnée suite à un coup de grisou incontrôlable et aux origines mystérieuses, on a forcément envie d’y jeter un œil après quelques décennies. Pour y jouer les archéologues d’un Tchernobyl hanté, aux temps arrêtés, à la brume stagnante et aux cendres tombant en pluie éternelle.

Mais ça, c’est quand le rêve est planant et initiatique. Quand le cauchemar vous rattrape, les sirènes a incendie se remettre à hurler comme au premier instant de la catastrophe, les ténèbres s’installent et les structures se désagrègent en gravas et rouille suintante. Il est temps de faire face à ses démons. Et seulement après une honnête introspection, vous aurez le droit de sortir de ce purgatoire. Car je ne me trompe pas en parlant d’introspection. L’énigme qui vous amène à Silent Hill se ressoude bien de cette manière. Et question déni, le héros du second opus en a revendre.

La suite de l’article relevant des passages clefs du deuxième épisode de Silent Hill, je vous conseille de revenir une fois le jeu joué. Et si les graphismes des années début 2000 vous rebutent, mais que vous désirez tout de même découvrir l’univers du jeu, alors je vous conseille le film qui est une excellente reproduction du premier jeu, mêlé à des éléments du second. En particulier le terrible boss Pyramide Head.

Pyramide Head

Comme vous avez pu l’apercevoir dans le film, Pyramide Head y joue un « némésis » instopable, mais sans réelle signification. Il fout les jetons et dépèce de pauvres pèlerins en une torsion de poignet. En revanche, dans Silent Hill 2, il gagne du sens en incarnant l’alter ego du héros.

James Sunderland est de retour à Silent Hill après avoir reçu une lettre de sa femme portant une simple phrase: « Rejoins-moi dans notre lieu à nous ». Elle doit parler de l’hôtel sur la rive du lac où ils avaient l’habitude de passer leurs vacances avant l’accident. À l’arrière de la lettre, une date correspond au jour d’avant. Seulement Mary est morte il y a trois ans. C’est alors dans l’espoir de la retrouver que James abandonne sa voiture sur l’aire de repos juste avant l’entrée de la ville.

Dans ce scénario, la ville de Silent Hill fait office de purgatoire au héros et tous les individus qu’il y croise. Angela a été violée par son père, Eddy a tué pour se venger de moqueries et Ernest reste inconsolable de la mort de sa petite fille… Nous ne savons pas s’ils sont mort ou vivant. Mais ce qui est sûr, c’est qu’ils errent et semblent fuir leurs passés. Alors que James va tenter de les aider, il ignore qu’il n’a pas encore fait face au sien.

Avant la scène des révélations, où James visionne la VHS de Mary, c’est Pyramide Head qui aura semé le plus d’indices sur les raisons de sa venue à Silent Hill. En premier lieu, lorsqu’on le surprend en train de torturer des monstres à 4 jambes. Puis les nombreuses fois où il empalera Maria. Car en réalité, Maria est son désir refoulé qu’il tue pour se faire souffrir.

Et c’est là-dessus qu’on se fait surprendre. On accepte l’idée que James est un homme sans reproche, que l’on doit volontiers aider à retrouver sa femme dans ce monde cauchemardesque. Jusqu’à ce qu’on nous révèle qu’il a globalement abandonné celle-ci dans la maladie. Voir même accéléré son trépas en l’asphyxiant sous son propre oreiller. C’est d’ailleurs peut-être pour cela que Maria s’endort subitement dans l’hôpital et que Pyramide Head a une telle symbolique de bourreau.

Néanmoins, leurs décisions sur l’euthanasie restent ambigües, car James aurait accepté cela pour mettre fin à la douleur de sa femme. Chose dont il aura réussi à s’en convaincre, car en réalité, il serait passé à l’acte pour des raisons bien moins courageuse. Sa vie avec Mary lui était devenue insupportable et il aura voulu passer rapidement à autre chose. Quant à Mary, elle aurait accepté de mourir consciente de l’amour vacillant de James. Son sentiment d’abandon et la jalousie qu’elle éprouvera envers la bonne santé de James l’aideront à prendre sa décision.

Les raisons moins louables de cet euthanasie

Malgré ce grand déballage, la plus grande motivation de James à tuer sa femme n’est pas révélée noir sur blanc. En réalité elle est plus suggestive. James a tué sa femme par frustration sexuelle…

L’élément qui m’aura sauté aux yeux fut la scène de torture de Pyramide Head sur les monstres à quatre jambes. On a du mal à comprendre ce qu’il leurs fait, mais en réalité l’alter-ego de James le viole. Noter aussi le nombre de fois que Maria meurt par les armes de Pyramide Head. La transperçant au niveau du bas ventre. Enfin l’improbable forme de la tête de Pyramide Head dont j’ai parlé tout à l’heure. A défaut de n’être qu’un délire de développeur, cette tête pourrait bien représenter une cagoule de bourreau… ou bien un pénis. C’est peut-être mon cerveau qui me joue des tours sur ce dernier argument !

Pauvre Maria

Le dernier argument que je donnerai concerne la pauvre Maria. Je dis « pauvre », car elle semble réelle et elle n’a rien demandé à personne. Maria désire juste être la Mary que James aura toujours voulu avoir. En contradiction avec la dépendance de Mary à James, Maria est autonome. Elle lui débloque même des passages en crochetant des portes. La plus grande différence reste physique. Alors que Mary est cloué à son lit, sans maquillage, maladive et négative. Maria est fringante, sexy, voir même allumeuse. Je ne sais pas si vous vous rappelez ses nombreuses allusions qui déstabiliseront James ou même sa tenue kitch et sexy. Malgré cela, elle se fait maltraitée durant toute l’histoire et la choisir constitue une mauvaise fin. Je trouve ça assez dommage car elle n’est pas responsable de ce qui a amené James à Silent Hill.

Enfin voilà, j’espère que vous aurez apprécié cette lecture suggestive du jeu. N’hésitez pas à commenter pour me donner votre avis ou contre avis. Si comme moi vous avez aimé Silent Hill 2, je vous conseille le film « L’échelle de Jacob » qui aura sur certains points inspiré l’histoire du jeu. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une excellente introspection en compagnie de cette sublime OST :

Cowboy Bebop vs Firefly – Le combat entre les deux grandes séries « Space Western »

Temps de lecture : 4 minutes

Comme si bien amené dans mon titre, je m’en vais vous parler de deux séries que j’affectionne tout particulièrement, que sont Firefly et Cowboy Bebop. Ces deux séries sont un savant mélange entre le Western et le Space Opéra, voire plus précisément comme je l’ai appris ce soir : des Space Westerns ! Ces deux-là suivent la même recette, c’est-à-dire un groupe de mercenaires aux intentions louables, mais qui finissent toujours par ce faire rattraper par la réalité de leur métier. Alors que Cowboy Bebop met l’accent sur le côté « bounty hunter », car chaque épisode débute par la manifestation d’une prime à capturer, Firefly s’oriente plus vers la série d’aventure. L’action, quant à elle, se déroule dans un futur où l’humanité aurait commencé à coloniser le système solaire. Ainsi les deux équipes se déplacent de planète en planète par l’intermédiaire de vaisseaux spatiaux, avec le « Bebop » pour l’un et le « Serenity » de type firefly pour l’autre.

L’histoire de Firefly évolue dans un contexte scientifique réaliste, les intrigues sont captivantes, les personnages ont des personnalités marquées et sont tous liés par des liens forts et parfois complexes. Quelques bonnes doses d’humour et une ambiance burlesque pour faire passer la « pilule science fiction ». Enfin, la série fourmille de détails intéressants comme par exemple : les acteurs jurent ou s’expriment occasionnellement en mandarin, les prostituées sont des sortes de geishas respectées et le décor présente de nombreuses influences asiatiques dont des sinogrammes. Ce que je trouve plutôt visionnaire de la part du réalisateur de la série Joss Whedon à l’époque où le scénario fut écrit.

Malheureusement la série se termine en queue de poisson. Seulement 15 épisodes produits et un scénario qui aurait pu s’étaler sur 4 à 5 saisons. Bref, la faute de la FOX qui aurait diffusé en 2002 les épisodes n’importe comment. Mais ce qui n’aurait pas empêché un fan club de très vite se constituer. Ce qui déboucha trois ans plus tard sur un long métrage Serenity permettant de boucler le scénario.

Cowboy Bebop, quant à lui, est un anime japonais écrit et réalisé par Shin’ichirô Watanabe et diffusé en 1998. Attention, si les mangas ou les dessins animés vous donnent des boutons, celui-ci est un ovni. De plus, les aspects Manga / Anime sont quasi inexistants. Donc pas de mélodramatisme au ralenti sur fond de violon, ni de « j’en prends plein la gueule, tu tâtes l’étendu de mon courage ! ». En réalité, si le trait du dessin n’était pas japonais (style Nicky Larson j’ai souvent entendu dire), ce ne serait pas un manga. Surtout que les sources d’inspirations vont piocher largement au-delà des frontières japonaises. Notamment dans l’univers jazz américain et français.

Pour le contenu, je reprendrais certaines qualités de Firefly. Plus précisément au niveau du contexte, de l’intrigue et de l’aspect burlesque. L’univers est bien fouillé, les personnages sont vraiment attachants et leurs interactions sont fortes, voir savoureusement conflictuelles. Par exemple, quand le personnage de Spike, finit par avouer à son coéquipier Jet les trois choses qu’il déteste le plus au monde: les enfants, les chiens et les femmes vénales et qu’elles sont désormais toutes les trois réunies sur le vaisseau. Mais malgré une aversion ouvertement exprimée entre les différents protagonistes au début, on ressent au fur et à mesure des épisodes un apaisement, voir au final une forte amitié pudique, exprimée par des choix décisifs.

Mais ce qui fait aussi la puissance de cette série est sa bande originale. Mon dieu qu’elle est belle ! Il y a 6 CD plus 1 pour le film, que nous devons à une certaine compositrice du nom de Yôko Kanno et d’un groupe créé à l’occasion « The Seatbelts » : groupe d’une trentaine de musicos français, américains et japonais. Yôko n’est pas à son premier coup d’essai, car elle est aussi la compositrice des animes « Vision d’Escaflowne » et « Ghost in the shell ». Rien que ça !

La bande originale est composée en majorité par du jazz et majoritairement de jazz bebop. Pour la petite histoire, le Bebop est un mouvement Jazz des années 1940 qui était à l’époque mal vu dans le milieu. Le principe était de réduire la formation à défaut des big bands, afin d’avoir plus de liberté sur les interprétations et faciliter les solos. Synchronisé aux combats spatiaux ou aux scènes de combat, cela donne un sacré cachet à la série. Enfin pour finir, vous trouverez ci-dessous le magnifique générique de la série:

Malgré leurs ressemblances aux premiers abords, les deux séries développent un univers et un style unique. Je prends toujours plaisir à revoir ses personnages. Difficile à départager donc, hormis sur l’OST où Cowboy Bebop est porté gagnant haut la main.

« Break ! Temps mort ! » (la trompette en arrière plan n’a pas le temps de terminer son solo et coupe sur une note dissonante)

Porté gagnant Cowboy Bebop grâce à son OST, avait été mon argument final lorsque j’avais écrit ces lignes en 2010. Mais c’était sans compter sur le temps qui passe, un revisionnage de Firefly en 2020 et mes pleins pouvoirs sur cet article.

Il y a quelques jours, alors que je me délectais du faux premier épisode diffusé par la FOX (celui de l’hover-train), je me suis rendu compte à quel point cet épisode était une excellente introduction, si on la gardait en tant que telle. Il s’agit du deuxième pilote que la FOX aurait exigé et finalement validé.

L’intrigue est captive, tout en exprimant subtilement les personnalités de chaque personnage. Cela est fait sans rentrer dans des interactions forcées, leur passé est signifié sans cesser de divertir et l’univers est dispensé par petites touches en faisant ressortir ses enjeux. Je me suis dit que Joss Weldon et son équipe nous donnait alors une grande leçon de « comment introduire une série, de surcroit de science-fiction ».

D’un autre côté, cette qualité n’est malheureusement pas à reporter à Cowboy Bebop qui souffre de deux premiers épisodes médiocres et beaucoup trop stéréotypé. Beaucoup de mangas qu’on me conseille me rebute de la même manière. Les mangakas ont aussi un système d’épisodes pilotes, duquel ils expérimentent et tentent de capter leurs audimats. Ce qui donne souvent de gros décalages entre un début maladroit et une suite captivante. Je compte donc plus le nombre de fois où j’ai conseillé Cowboy Bebop, mais en suggérant de commencer à partir de l’épisode 3.

Ainsi, après 10 ans, ce nouvel argument vient clore ce match désormais décennal sur un ex-æquo. Du moins avant un prochain visionnage de l’une ou l’autre série…

See You Space Cowboy

Axel Dalibert Legris

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